La création
Dans le sillage de la loi Lang, et dans un contexte économique peu favorable, les débats autour de l’économie du livre se poursuivent. Convaincus du rôle central joué par la librairie de littérature générale, quatre éditeurs (Gallimard, La Découverte, Minuit, Le Seuil) créent un outil novateur : l’Adelc.
Pendant plus de dix ans, des adversaires résolus, notamment la Fnac et Leclerc, continueront à s’opposer à cette loi. Michel-Édouard Leclerc intente en 1983 une action auprès de la Commission européenne pour non-conformité à la réglementation en matière de concurrence. Cette action est rejetée par la Commission ; la loi est conforme au droit européen.
Le ministre de la Culture François Léotard, s’interrogeant sur le dispositif du prix unique du livre, commande début 1987 à Patrice Cahart, auteur, inspecteur des Finances et délégué général de la Fédération française des banques, un rapport sur le secteur du livre en France, et en particulier sur l’impact de la loi Lang. Ce rapport, intitulé « Le livre français a-t-il un avenir ? », est présenté en janvier 1988. Les 180 pages du rapport plaident en faveur du prix unique du livre et mettent en lumière la situation précaire de la librairie, présentée comme « le maillon faible de la chaîne du livre ».
« Grandes, petites, moyennes ou minuscules librairies, autant de destinations d’une promenade que je peux étendre à la France entière. »
Gardiens et Passeurs, Daniel Pennac, 2000
Une loi nécessaire, mais pas suffisante
Au milieu des débats politiques et professionnels, plusieurs éditeurs s’interrogent ensemble sur l’évolution des ventes de certains ouvrages et de leurs fonds, non pas seulement en valeur absolue, mais aussi et surtout en termes de réseaux de diffusion.
En 1986, Jérôme Lindon, président des Éditions de Minuit, développe notamment une analyse éclairante des ventes d’un premier roman, La Salle de bain de Jean-Philippe Toussaint : au cours des premières semaines de vente, ce sont les librairies indépendantes qui assurent le lancement de l’ouvrage, relayées a posteriori par les médias et la grande distribution.
La conclusion des éditeurs, menés par Jérôme Lindon, est claire : la librairie, ce « maillon faible de la chaîne du livre », est aussi un maillon essentiel, vital pour certains. La loi Lang est donc, selon Jean-Guy Boin, vice-président de l’Adelc, « une condition nécessaire, mais non suffisante » à la survie d’une certaine idée du livre, de la lecture et de son accessibilité.
Des éditeurs au secours des libraires
Au début de l’été 1987, quatre éditeurs, Gallimard, La Découverte, Le Seuil et Minuit, décident donc de réfléchir aux dispositifs envisageables pour apporter à ces librairies les moyens de se développer et de conserver leur indépendance.
L’année suivante, les quatre maisons élaborent de concert un projet juridique, financier, mais aussi technique et politique, qui pose les principes et conditions de leur action. Il prévoit la mise en place d’une structure nouvelle en faveur des librairies de littérature générale qui assurent un réel travail de diffusion de la création éditoriale. De là naît le terme de « librairie de création ».
« Tous les vendeurs de livres ne sont pas libraires. »
Jérôme Lindon, présentation de l’Adelc au Salon du Livre de Paris, 1996
Très vite, France Loisirs rejoint le projet et apporte un soutien financier déterminant, de même que la Direction du livre et de la lecture. Dans les mois qui suivent, une vingtaine d’éditeurs y adhèrent et acquittent, comme le prévoient les statuts, une cotisation annuelle correspondant à 0,15 % de leur chiffre d’affaires. L’histoire retient que c’est lors de la présentation du rapport Cahart (« Le livre français a-t-il un avenir ? », rapport au ministre de la Culture et de la Communication, décembre 1987) que Walter Gerstgrasser décide de rejoindre l’Adelc : « Mes succès sont les succès des libraires », affirme-t-il alors à Jérôme Lindon.
Les statuts de cette association à but non lucratif, de type loi 1901, sont déposés à Paris en décembre 1988.
L’Adelc est aujourd’hui présidée par Antoine Gallimard. Son délégué général est Didier Grevel, accompagné de Claire Mortier, chargée de mission, et de Valérie Quintard, assistante (voir Contact). L’association compte près de trente partenaires, adhérents et donateurs, et soutient plusieurs dizaines de librairies par an dans toutes les régions de France, ainsi qu’en Belgique.